Hippolyte Monin est né le 31 octobre 1882 à La Bâtie-Divisin (Isère)[1], fils unique du mariage contracté entre Marie Thoniel et autre Hippolyte Monin, cultivateurs et tisserands. La famille figure dans les recensements de population de la commune.
1896[2]
– Hippolyte Monin, 49 ans, cultivateur, chef de ménage,
– Marie Thoniel, 48 ans, tisseuse, sa femme,
– Hippolyte Monin, 13 ans, sans profession, leur fils.
1901[3]
– Hippolyte Monin, 54 ans, patron cultivateur, chef de ménage,
– Marie Thoniel, 53 ans, sans profession, sa femme,
– Hippolyte Monin, 18 ans, cultivateur, leur fils.
Le 26 mai 1914 à La Bâtie-Divisin[4], il épouse Valentine Polaud. Le couple n’eut pas d’enfant.
Extrait de la fiche matricule d’Hippolyte Monin (classe 1902, matricule 1333)
Archives départementales de l’Isère – Registres matricules militaires (bureau de Bourgoin)
Recrutement militaire
Hippolyte a vingt ans en 1902. Il porte le numéro 57 sur la liste de recrutement de cette classe, pour le canton de Saint-Geoire-en-Valdaine[5]. La décision du conseil de révision est de l’ajourner pour faiblesse du cœur. Il reçoit le numéro de matricule 1333 au bureau de recrutement de Bourgoin, dont dépendait le canton de Saint-Geoire-en-Valdaine. La fiche matricule nous donne sa description physique : 1 mètre 65, cheveux et sourcils châtain foncé, yeux châtain, front couvert, nez grand, bouche moyenne, menton rond, visage ovale[6]. Il sait lire, écrire et signer[7]. Sa fiche nous confirme qu’il fut ajourné en 1903, puis à nouveau en 1904. Il sera finalement classé aux services auxiliaires pour faiblesse en 1905[8].
La mobilisation générale de 1914
Hippolyte Monin fut examiné par la commission spéciale de réforme de Bourgoin le 29 octobre 1914, présidée par monsieur d’Aubigny, général commandant les 2e et 5e subdivisions de région[9]. Les médecins Poutet et Andrand le déclarèrent apte au service armé, malgré son classement antérieur aux services auxiliaires. Il est alors affecté au 22e régiment d’infanterie de Bourgoin et arrive au corps le 9 novembre suivant. Le 23 février 1915, il sera finalement affecté au 12e bataillon de chasseurs alpins avec le matricule 04718 au répertoire de ce corps[10].
Tranchée bouleversée de l’Hartmannswillerkopf, 1915
Bibliothèque nationale de France – Photographies de presse de l’agence Rol
Opérations de l’hiver 1915
Début décembre, la plus grande partie du 12e bataillon reste stationnée pendant quelques jours dans le secteur de La Tête-des-Faux (Haut-Rhin)[11] : « la pluie a cessé depuis quelques jours, le ciel est d’un bleu intense, la neige brille au soleil sur ces hauts sommets des Vosges d’Alsace. Nous occupons le point culminant des lignes. […] la neige couvre les vallons, de grands espaces nous séparent de nos voisins, les réseaux de fils de fer disparaissent totalement sous trois pieds de neige. » Le 15 décembre, les compagnies partent pour le camp d’Haeslen et restent stationnées dans ces baraques jusqu’au 21 décembre. Au matin du 21 décembre, le bataillon entièrement réuni part pour Cornimont (Vosges)[12] : « il y arrive à midi et s’installe au cantonnement. Il est en réserve générale d’armée. Officiers, gradés et chasseurs, heureux de ce repos un peu inattendu, se distraient. Les uns dévalent en ski les pentes favorables qui dominent Cornimont de toutes parts de leurs pentes douces, les autres se chauffent près des poêles de faïence qu’ils n’ont pas vus depuis plus de deux mois ».
Puis le bataillon se dirige le 23 décembre vers les camps situés sur les pentes de l’Hartmannswillerkopf, un sommet qui surplombe la plaine d’Alsace : « la neige fond et la pluie tombe, fine et serrée ; la boue monte jusqu’aux chevilles ». Une attaque est fixée au 28 décembre, afin de renforcer par la gauche des troupes qui ont pris dernièrement la position allemande dite du rocher de l’Hirtstein. Le commandant Ardisson décide que les trois premières compagnies attaqueront : vers 15 heures elles partent à l’assaut, sous le feu des mitrailleuses ennemies. La 3e compagnie souffre de nombreuses pertes lors de sa première vague d’attaque[13]. En moins d’une heure, les soldats atteignent le point nommé Rehfelsen, une ligne plus avancée que l’objectif fixé initialement. La progression réalisée est de plus d’un kilomètre et 300 allemands sont fait prisonniers. C’est lors de cette journée qu’Hippolyte Monin, inclus dans cette 3e compagnie, fut blessé et évacué vers l’ambulance 3/58 de Moosch[14].
Carnet des entrées et sorties de l’ambulance 3/58
Service des archives médicales hospitalières des armées (SAMHA) – Fonds 1914-1918
Compléments des archives médicales
Hippolyte Monin figure sur deux documents conservés par le Service des archives médicales hospitalières des armées (SAMHA). Ces archives nous éclairent sur les blessures qu’il reçut sur les pentes de l’Hartmannswillerkopf.
Carnet médical (24 décembre 1915 – 2 janvier 1916)[15]
Modèle n°5 (n°267 de la nomenclature spéciale) – Ambulance 10875 n°17 – 66e division. Hippolyte Monin, soldat de 2e classe au 12e bataillon de chasseurs à pied, 3e compagnie, classe 1902 de Bourgoin, matricule 1333 : plaie pénétrante thorax et hypocondre par éclat d’obus. Date de départ du corps : 29 déc. 1915.
Carnet des entrées et sorties de l’ambulance 3/58[16]
Modèle n°29 (n°272 de la nomenclature spéciale) – 66e division – Ambulance 3/58 – Numéro d’ordre au carnet de passage des entrées : 7120. Hippolyte Monin, né le 31 oct. 1882 à La Bâtie-Divisin, soldat de 2e classe au 12e bataillon de chasseurs à pied, 3e compagnie : plaie pénétrante du thorax et hypocondre droit par obus. Entré le 29 décembre 1915 et sorti le 30 décembre 1915.
Extrait de la fiche matricule d’Hippolyte Monin (classe 1902, matricule 1333)
Archives départementales de l’Isère – Registres matricules militaires (bureau de Bourgoin)
Fin de vie
Hippolyte Monin fut évacué le lendemain de sa blessure mais ne séjourna que deux jours à l’ambulance 3/58. En effet, sa fiche matricule nous indique qu’Hippolyte est décédé à l’hôpital de Moosch le 30 décembre 1915[17]. La base de données des Morts pour la France[18] confirme qu’il est décédé des suites de blessure de guerre le 30 décembre 1915, à l’ambulance 3/58 de Moosch.
Hippolyte fut cité à l’ordre n°94 de son bataillon le 12 février 1916[19] : « Le capitaine Lafouillade, commandant le 12e bataillon de chasseurs, cite à l’ordre du bataillon […] Monin Hippolyte, 2e classe, 3e compagnie, matricule 04363 […] chasseurs braves et courageux. Belle conduite au feu. Ont été blessés. Clefcy, le 12 février 1916 ». Cette citation lui vaut l’attribution de la Croix de Guerre 1914-1918, avec étoile de bronze.
Son acte de décès fut transcrit à La Bâtie-Divisin le 25 avril 1916[20], avec la mention « Mort pour la France ». Il figure encore dans la liste des personnes ayant reçu la Médaille Militaire à titre posthume, conférée par décret du Président de la République en date du 10 juin 1920[21] : « Le Président de la République décrète la Médaille Militaire à titre posthume Monin Hippolyte, chasseur, 12e bataillon de chasseurs alpins, matricule 04718 : chasseur brave et courageux. Belle conduite au feu. A été blessé. Mort des suites de ses blessures, le 30 décembre 1915. A été cité. Paris, le 10 juin 1920 ».
Sources :
[1] Archives départementales de l’Isère (ADI) – État civil de La Bâtie-Divisin / 1882 acte 23. La Bâtie-Divisin fait partie depuis 2016 de la commune nouvelle des Abrets-en-Dauphiné.
[2] ADI – Recensements de population de La Bâtie-Divisin / 1896 folio 35.
[3] ADI – Recensements de population de La Bâtie-Divisin / 1901 folio 33.
[4] Archives communales de La Bâtie-Divisin – État civil / 1914 acte 3. Un contrat de mariage fut rédigé par Me Joseph Moutin, notaire à Montferrat (Isère) en date du 14 mai précédent.
[5] ADI – Recrutement militaire : listes cantonales par arrondissement / 2 R 479 (classe 1902), canton de Saint-Geoire-en-Valdaine, numéro 57.
[6] ADI – Registres matricules militaires (bureau de Bourgoin) / 1 R 1375 (classe 1902) matricule 1333.
[7] Ce qui correspond au niveau d’instruction « 3 » sur la fiche matricule.
[8] ADI – Registres matricules militaires (bureau de Bourgoin) / 1 R 1375 (classe 1902) matricule 1333.
[9] ADI – Recrutement militaire : commission spéciale de réforme de Bourgoin / 3 R 2/131 folio 23.
[10] Ce numéro de matricule était attribué à un soldat lorsqu’il intégrait une unité. Il diffère ainsi du numéro de matricule attribué lors du recrutement.
[11] Historique résumé du 12e bataillon de chasseurs alpins, Paris, H. Charles-Lavauzelle, 1920-1922 [Gallica, https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6441975d].
[12] Historique résumé du 12e bataillon de chasseurs alpins, Paris, H. Charles-Lavauzelle, 1920-1922 [Gallica, https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6441975d].
[13] Historique résumé du 12e bataillon de chasseurs alpins, Paris, H. Charles-Lavauzelle, 1920-1922 [Gallica, https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6441975d].
[14] Ambulance 3/58 pour 3e ambulance de la 58e division. L’ambulance 3/58 est alors affectée à la 66e division : durant le conflit, de nombreuses ambulances furent reliées à une autre division que celle d’origine.[15] Service des archives médicales hospitalières des armées (SAMHA) – Fonds 1914-1918.
[16] Service des archives médicales hospitalières des armées (SAMHA) – Fonds 1914-1918.
[17] ADI – Registres matricules militaires (bureau de Bourgoin) / 1 R 1375 (classe 1902) matricule 1333.
[18] Base de données des Morts pour la France [Mémoire des hommes, https://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/fr/ark:/40699/m005239f835970e1].
[19] Service historique de la Défense (SHD) – Centre des archives du personnel militaire (CAPM).
[20] Base de données des Morts pour la France [Mémoire des hommes, https://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/fr/ark:/40699/m005239f835970e1].
[21] Journal officiel de la République française (3 novembre 1920, page 17251) [Gallica, https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k63878373]